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... ET LE NOIR ENCORE NOIRCIT …
Premier temps, faire le blanc. Depuis 1990, Isabelle
Jarousse réalise son papier mains dans la pâte pur chiffon.
L'œuvre débute par le façonnage du support, la feuille
blanche. Faire le blanc, le mat, comme neige du petit
matin en lisière de bois. Papier pour le silence, mais
ni chlorose ni fadeur... un tel désir de vivre.
Viennent alors les heures du noir. Encre de Chine, pinceau
martre Kolinski n°3. Ecriture, signes, mille et mille
traits ténus, précipités, précis - virtuosité, obstination,
entêtement, acharnement - mille et mille traits et encore.
Ecriture, broderie de signes, chorégraphie. Des êtres,
hommes, femmes, agneaux-loups naissent, prolifèrent,
envahissent la feuille, la colonisent, tous bouches
cousues, pas d'indiscrétion ni bavardage, tous affairés
à leur double tâche : danser le tableau, le structurer..
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Ils furent filiformes, citoyens de cités filiformes,
un temps s'éclipsèrent ? restait l'espace irradié de
lumière grise - aujourd'hui de retour mais autres, pétris
du blanc très blanc préservé de l'assaut corps à corps
des hachures noires de plus en plus noires et denses,
nuit d'outre monde.
Aux dernières informations, les êtres perdent du terrain,
se regroupent en poches de résistance et le noir encore
noircit et à nouveau l'espace se plisse, se froisse,
se travaille, mouvements de fond, sourdes turbulences.
Voici donc que se modifie le cérémonial d'envoûtement.
novembre 1999
Yves DUBAIL
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FEMME
DE PAPIER
"La galerie: de naïf papiers aux murs s'élancent,
Papiers de fleurs, d'oiseaux, de personnages clairs
Papiers simples et doux, qui répètent leurs airs Comme
une monotone et sensible romance"
Anna de Noailles.
Depuis
1990, Isabelle Jarousse travaille la pâte à papier dont
elle fait son support. Le papier, "roseau d'Egypte"
inventé au IIe siècle par les Chinois et connu en Europe
au XIe siècle, est ici un filigrane léger, translucide
qu'elle défile, défibre, délisse, effiloche. La pâte
à papier garde un aspect grenu froissé, mâché, d'une
pâleur extrême. Papier autobiographique, papier d'écritures
chargés de signes légers, tels des cryptogrammes.
"Le papier, vous le savez, joue le rôle d'un accumulateur
a d'un conducteur. Il conduit, non seulement d'un homme
à un autre, mais d'un temps à un autre, une charge très
variable d'authenticité ou de crédibilité"
Valéry - Variété III
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Ces mots du poète correspondent au travail de l'artiste
qui réinvente une matière privilégiée à base de collage,
qu'elle sature d'un graphisme qui n'a rien de décoratif,
qui fuient aux limites le cœur du travail.
Il y a dans ces points, traits, signes, idéogrammes,
à l'encre de Chine, quelque chose d'une écriture faisant
référence à un art quelque peu primitif. Mais, en dehors
de ces cryptogrammes amoncelés sur le papier, c'est
le support qui reste le plus étonnant, grandes ailes
de papillons froissées, aériennes présentant de brusques
plis qui crevassent le support, éventrent la toile.
Ainsi, cette double préoccupation lui a permis d'en
arriver à ce qu'elle fait maintenant, matière et graphisme.
Un graphisme de plus en plus volubile, abstrait, mais
aussi très équilibré, petits personnages qui dansent,
sorte d'écriture automatique. Chaque œuvre est un recueil
livré au hasard, dont on tourne les pages et qui résiste
au temps. Isabelle Jarousse sera présente au prochain
salon de la Jeune peinture, à Paris.
M.B
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